Le jeune éditeur fait le pari de sensibiliser les enfants à l’histoire en misant à la fois sur le livre et les applications numériques.

Ses petits bouquins aux couleurs acidulées se sont fait une place aux caisses des librairies, Cultura, Oxybul et autres Fnac. En couverture, ses héros – qu’ils s’appellent Martin Luther King, Jules César ou Picasso – sont croqués avec humour. À l’heure des jeux vidéo et des réseaux sociaux, la jeune maison d’édition Quelle Histoire fait le pari de rendre ludique l’apprentissage de l’histoire aux enfants de 6 à 10 ans. Et accessible au plus grand nombre: les livres sont vendus 5 euros pièce.

Son fondateur, Albin Quéru, 30 ans, diplômé d’arts appliqués de l’école Estienne, qui a appris l’histoire avec son père en sillonnant les châteaux de France, se lance en 2011. Il se positionne d’emblée sur une niche – l’histoire destinée aux enfants – et croit à un modèle multimédia. Il lance d’abord une application pour tablettes sur Napoléon, vite repérée par iTunes. Petit format, couleurs vives, illustrations captivantes: le marketing est bien ficelé. Le texte est rédigé par une ancienne rédactrice en chef d’Historia, Patricia Crété.

Viennent ensuite une dizaine d’applis et, à chaque fois, les livres correspondant. Puis, ce sont des cahiers d’activités, des jeux…

«Nous développons du contenu puis nous raisonnons en termes de supports de diffusion, explique Albin Quéru. Dans notre stratégie, nous faisons le pari que papier et numérique peuvent cohabiter sans problème.»

L’agilité est celle d’une start-up: les livres sont écrits au fur et à mesure avec seulement deux mois de délai entre la conception et la publication, le rythme des nouveautés est soutenu (cinq par mois). Face à elle, la jeune entreprise trouve des éditeurs classiques de livres jeunesse.

LES NOUVEAUTÉS SE MULTIPLIENT

Des partenariats avec la Réunion des musées nationaux, Radio Classique et la revue Historia leur ouvrent progressivement des portes. La maison d’édition fait appel à Cap Diffusion (Ouest France) pour sa distribution en province. À Paris, Albin Quéru démarche, l’un après l’autre, 200 libraires. Il compte aujourd’hui 2000 points de vente au total dans l’Hexagone. Depuis mai dernier, même Monoprix distribue ses biographies. Il s’est aussi rapproché des professeurs: il commercialise ses livres et chronologies dans les boutiques régionales de Canopé (Éducation nationale), qui fournit les enseignants. Finalement, à l’ère du digital, ce sont les livres (200.000 livres vendus en 2015) et le contenu «papier» qui permettent à Quelle Histoire d’accélérer.

«Nous nous sommes rendu compte que le marché du livre jeunesse était plus stable et permettait plus facilement à une jeune société de se positionner», explique Albin Quéru, dont 90% des ventes proviennent des livres.

Il élargit sa collection en lançant des thèmes génériques (Les Mayas, Histoire de France…) et des personnages féminins (Aliénor d’Aquitaine, Catherine de Médicis, Coco Chanel…) qui tiennent compte des retours des libraires. Il élargit son offre en lançant des guides de voyages (avec Michelin) mais aussi des monographies (Les As de l’aviation, avec l’Armée de l’Air, Histoire des pompiers, avec la Sécurité civile…). Il teste même la vente de produits dérivés (marque-pages, cartes postales…) dans les musées.

   «Nous développons du contenu puis nous raisonnons en termes de supports de diffusion. Dans notre stratégie, nous faisons le pari que papier et numérique peuvent cohabiter sans problème» Albin Quéru, fondateur de Quelle Histoire

Quelle Histoire a franchi une nouvelle étape en accueillant il y a deux ans un nouvel associé, Emmanuel Mounier, propriétaire de Fleurus Presse. Son groupe détient désormais 35% de l’éditeur, Albin Quéru conservant 27%, le reste étant détenu par des business angels. Un magazine est venu étoffer l’offre en avril. La croissance de l’entreprise, qui est à l’équilibre depuis un an, s’est accélérée (1,5 million de chiffre d’affaires prévu en 2016, contre 600.000 euros l’an passé). Le site Internet est monté en puissance (près de 20% des ventes). Des contenus numériques dédiés devraient voir le jour en 2017.

L’entreprise planche désormais sur son développement à l’étranger. Elle voudrait aussi proposer des dessins animés de sept minutes à des chaînes de télévision ou à des organismes éducatifs.

«Nous voulons faire partie l’an prochain des dix premières marques jeunesse à l’image de Monsieur et Madame ou de Il était une fois l’homme, ambitionne Albin Quéru. Ce sont des marques pérennes qui ont réussi à installer une identité graphique sur plusieurs générations.»

Par Keren Lentschner

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